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MARINE FRANÇAISE.

Dans l’ordre constitutionnel des choses, nous savons qu’il ne peut en être autrement, parce qu’il faut que tous les citoyens soient égaux, et que nul ne doive être contraint de donner à l’état un jour de sa liberté de plus que son voisin. Cette règle est équitable, libérale ; mais elle est funeste à la marine, elle est une des causes des embarras où se trouve cette arme qui en est entourée de toutes parts, et qu’on étouffe comme à plaisir dans des difficultés de toute espèce.

Le vote des députés qui, voulant maintenir l’égalité entre les sujets de la Charte, ne consent pas à déclarer le service de la marine obligatoire pour quinze ans, quand celui de l’armée de terre n’est que de huit années ; ce vote est-il bien réfléchi ? Il semble, au premier coup-d’œil, que oui, et qu’il n’y a rien de possible à faire, en dehors de cette justice de répartition des charges publiques ; en y pensant d’avantage, on voit qu’un arrangement, favorable à la marine serait très-facile. Pourquoi ne déciderait-on pas en principe qu’un matelot de six ans de service commençant seulement à être marin, il est nécessaire de le garder huit ou neuf ans de plus pour que son apprentissage ne soit pas perdu ; que, la marine est en dehors du droit commun établi par la loi du recrutement, et que son service ne peut se régler comme celui de l’armée de terre ; que cependant il faut, puisque c’est une charge énorme, la faire supporter à tous les citoyens, et que le sort décidera entre les conscrits de la carrière à laquelle chacun sera appelé ? Où sont les objections ? nous n’en devinons aucune. Ce qu’il faut avant tout, c’est maintenir l’égalité ; or, si, sur cent conscrits, la marine a besoin de trois hommes, par exemple ; quand sur les cent, tous ont couru la chance d’un des billets pour le service exceptionnel, personne n’a rien à dire.

— Mais les trois marins seront beaucoup plus malheureux que leur quatre-vingt-dix-sept compatriotes, et ce n’est pas juste !

— Nous entendons cela parfaitement. Sans doute cela est cruel, mais enfin c’est le sort qui l’a voulu ainsi ; le sort que chacun a couru, et qui n’a frappé que quelques-uns. Il est