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LITTÉRATURE.

Staarmatz, pendant le cours du dîner, êtes-vous sortie cinq fois de table, ce que vous savez pourtant bien être pour moi une chose insupportable, et incivile pour monsieur le conseiller, si vous ne nous dédommagez pas de ces allées et venues par la régularité du service ? Courez vite acheter du dessert, Véronique. » — « Ce n’est pas la peine, mon cher Staarmatz ; j’ai parfaitement dîné. » — « Si fait, monsieur le conseiller, si fait. Eh bien ! qu’attendez-vous ? Ne m’avez-vous pas entendu ? » — « Je n’ai pas d’argent, » lui dit Véronique, à l’oreille, d’une voix de tonnerre.

M. Staarmatz, ce jour-là, faillit en faire une maladie. La maladresse de sa servante et le flegme de sa femme l’avaient mis hors des gonds ; et, au fait, le pauvre homme n’était pas heureux en ménage. Madame Staarmatz avait des qualités sans doute, mais de ces qualités qui ne sont pas d’un usage journalier, de ces uniformes de parade qu’on ne met qu’une fois l’an ; l’habit de tous les jours était incommode. Elle ne savait pas occuper sa place dans la maison, non pas précisément qu’elle portât les culottes, comme dit le peuple en France ; mais par son insouciance, par son incurie, elle forçait M. Staarmatz à s’affubler des jupons, à rabaisser sa dignité d’homme jusqu’à ces petits soins domestiques dont elle aurait dû s’occuper, en sorte que tous les torts de la femme étaient autant de ridicules pour le mari.

IV. — HENRIETTE.

— « Est-ce que tu ne pourrais pas, monsieur Rauer, procurer quelques écoliers à ce pauvre Théodore ? dit un soir madame Rauer à son mari, qui fumait silencieusement son knaster auprès de la fenêtre : ces bons enfans ont de l’ordre ; mais la maladie du frère les a endettés. Théodore dessine très-bien, il peint même fort joliment, et, s’il avait deux ou trois leçons à donner, ils pourraient lier les deux bouts, ces chers petits locataires, et nous payer le terme qu’ils nous doivent. »