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MARIE. — IAMBES.

Mais avec cet esprit j’aime une âme ingénue,
Pleine de bons instincts, de sage retenue,
Qui s’ombrage de peu, surveille son honneur,
De scrupules sans fin tourmente son bonheur,
Suit, même en ses écarts, sa droiture pour guide,
Et, pour autrui facile, est pour elle timide.

En lisant ce petit livre tout virginal et filial, le decor, le venustus, le simplex munditiis des latins, reviennent à la pensée pour exprimer le sentiment qu’il inspire dans sa décence continue. Les plus vrais tableaux, les plus vives réalités qu’il nous offre ont encore un parfum antique qui trahit une instinctive familiarité avec les maîtres de l’âge d’élégance, avec les poètes du Musée et de l’anthologie. Quelque chose de ce qu’on éprouve devant l’Œdipe d’Ingres, ou à la lecture de l’Antigone de Ballanche, se retrouve ici, moins grave, moins direct, et ménagé sous un adorable artifice. L’élégie du pont Kerlo me reporte involontairement à Moschus, à Bion. L’hymne à la pitié pourrait être un écho plaintif de Synésius. C’est le propre des poésies extrêmement civilisées de revenir avec une curiosité expresse à la nature la plus détaillée, à la simplicité la plus attentive. Théocrite n’a-t-il pas fait les Syracusaines, et le rhéteur Longus la pastorale de Daphnis et Chloé ? Mais chez l’auteur de Marie, tout cela est si habilement fondu, si intimement élaboré au sein d’une mélancolie personnelle et d’une originalité indigène, que la critique la plus pénétrante ne saurait démêler qu’une confuse réminiscence dans ce produit vivant d’un art achevé, et que, si elle voulait marquer d’un nom ce fruit nouveau, elle serait contrainte d’y rattacher simplement le nom du poète ; mais nous qui jugeons combien est sincère la modestie qui nous l’a caché, nous ne prendrons pas sur nous de lui faire violence ; et, pour conclure, nous nous bornerons à citer la plus touchante, à notre gré, des élégies que le nom de Marie décore :