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DE LA RÉVOLUTION ET DE LA PHILOSOPHIE.

comme un affranchi qui défait sa tunique, il se débarrasse lui-même de ses chimères, de ses désirs rassasiés, de l’infini qui le gêne, je dis qu’à ce spectacle la conscience d’un pays se bouleverse, que matérialisme, idéalisme, toute philosophie s’évanouit à ses yeux dans le même néant, que l’idéalisme apostat est pire que le sensualisme avoué, et que, pour celui qui assiste à cette confusion, il faut qu’il ait le cœur de la signaler, quoi qu’il en coûte, ou qu’il brise sa plume.

Outre ces philosophies dont je viens de parler, je voudrais en apercevoir quelqu’autre ; je la regarderais avec attention pour y voir le caractère et l’histoire de l’avenir vers lequel nous allons. Par malheur, il n’en est point d’autres[1] ; et celles-là même qui existent le plus sèchent déjà sur pied, et leurs fruits sont cueillis. Il est évident que pour qu’une école nouvelle paraisse, il faut qu’un branle nouveau soit donné à l’univers politique. Tant que l’État chancelle à l’œuvre, que sa victoire est incertaine, qu’il se résigne chaque matin à douter de lui-même, il y a aussi autour de lui mille formes d’art, des systèmes, des solutions entreprises, des cultes commencés qui se cherchent sans pouvoir se trouver dans ces demi-ténèbres et cette demi-lumière qu’il répand sur lui-même. La pensée hésite et s’arrête sur son seuil en même temps que l’action politique. Mais, laissez le génie de 89 peu à peu s’aguérir sur le trône, et vous verrez bientôt le vieux dogme de Fichte monter tous les degrés, et reparaître à ses côtés refait et éprouvé par l’âge. La France est à l’Allemagne ce que l’action est à la réflexion dans le génie de l’humanité ;

  1. L’école de Saint-Simon veut être une religion, et non pas une philosophie ; nous la rencontrerons ailleurs.