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VOYAGES.

dit-on, un poitrinaire en un mois, s’il n’est qu’à la seconde période de la maladie.

C’est un singulier coup-d’œil que celui de ces injenios, ou sucreries, pendant la nuit. Il est curieux aussi d’entendre cette multitude de voix discordantes qui y résonnent constamment, car les nègres ne peuvent rien faire sans crier ou chanter. Tout est bien éclairé ; c’est un monde qui s’agite au milieu d’un nuage de fumée et de vapeur ! Ici c’est une chaîne d’esclaves qui se passent les cannes pour les élever en tas ; là vous en voyez d’autres qui les placent dans d’énormes cylindres pour en exprimer le suc. Les uns excitent les bœufs qui font mouvoir le moulin ; d’autres sont occupés à une quantité de cuves de toutes dimensions qui contiennent le sucre bouillant ; ils écument ce brûlant liquide avec de longues cuillers, le font sauter en l’air avec adresse, et retomber en longues nappes jaunes et transparentes. Les femmes, les enfans, tout travaille ; c’est un mouvement perpétuel. Le feu brille partout, l’air est chaud, tous les fronts reluisent de sueur ; quelquefois le fouet résonne, et on voit, au milieu de la foule, se promener majestueusement le majoral blanc, sa longue machetta, terreur des noirs, serrée au côté, et son grand chapeau de paille sur la tête. Mais l’odeur de ces injenios est délicieuse, et toutes les fois que, dans mes voyages, je me suis trouvé sous le vent d’un injenio, j’ai fait arrêter, pour jouir de ce parfum tout nouveau pour moi.

Je partis le lendemain matin à sept heures ; je changeai de chevaux en route ; et, après avoir fait cinq lieues, je me trouvai dans le district de San-Marco, le jardin de l’île de Cuba. C’est là que sont les caféiers de l’Esperanza et de la Simpatia, tous deux appartenant