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VOYAGES.

à la clarté de la lune qui glissait au-dessus de nous et suivait les mouvemens de notre bâtiment, bercé mollement par les vagues, et rafraîchi par la brise, qui entretenait une mélodie constante parmi les voiles et les cordages !

Le 3 février au soir, nous aperçûmes, brillant comme une étoile au-dessus des bois, le phare du cap Floride ; et peu après, nous nous trouvâmes en pleine mer, traversant le golfe du Mexique.

Le 4 au point du jour, nous découvrîmes trois voiles à contre-bord : c’étaient des felouques espagnoles. Une d’elles effraya notre capitaine, qui ne rêvait que pirates. Elle tenta de nous approcher par plusieurs évolutions, et nous cherchâmes de même à l’éviter. Bientôt elle s’éloigna, voyant qu’elle ne pourrait réussir à nous aborder. Ses intentions étaient sans doute très-pacifiques. « Toutefois, disait le capitaine, there is so much villainy about here, qu’il ne faut pas s’y fier. »

Mais nous, faibles et inoffensifs, aurions-nous jamais cru être pris pour des pirates ? Notre forme à fleur d’eau, notre fine voilure, annonçaient cependant, il faut en convenir, quelque chose de suspect ; et en effet, bientôt nous aperçûmes derrière nous un brick de guerre espagnol (l’Hercule, de 24), qui nous donnait la chasse, entassant voiles sur voiles et bonnettes sur bonnettes pour nous joindre. Vains efforts ! Il nous suivit ainsi pendant quatre heures ; et, lassé sans doute de ses fatigues inutiles, il laissa arriver, piqua dans l’est, et s’évanouit à l’horizon. Nous devînmes suspects à tous les bâtimens en vue, qui avaient été témoins de notre fuite devant l’Hercule. Saisis de frayeur à notre approche, ils se rangeaient vite de côté, mettaient en panne à distance, pour voir quelle tournure les choses allaient