interruption. Au jour, le ciel s’est éclairci, la brise a tombé et la pluie a cessé.
Les naturels sont revenus en foule sur la plage et ont même commencé à démolir leurs fortifications ; une brèche a été pratiquée à travers les remparts pour faire passer une pirogue ; un cochon, quelques corbeilles d’ignames et quelques régimes de bananes y furent embarqués, puis elle se dirigea vers la corvette, sous la conduite de Martineng et d’un naturel que nous reconnûmes bientôt pour être l’ami particulier de M. Gressien, le bon Waï-Totaï. Cet honnête mataboule, tout en obéissant à Tahofa, son chef, blâmait sa trahison et paraissait désolé de la conduite de ses compatriotes à notre égard. En mettant le pied à bord, le pauvre Waï-Totaï tremblait de tous ses membres, il ne m’aborda qu’à demi prosterné et d’un air suppliant ; ce ne fut qu’après l’avoir rassuré par des paroles amicales, et lui avoir plusieurs fois répété que nous le regardions toujours comme notre ami, qu’il put prendre sur lui de s’acquitter du message dont Tahofa l’avait chargé. Il m’expliqua alors que Simonnet et Reboul s’étaient enfuis dans l’intérieur de l’île, aussitôt qu’ils avaient appris que les chefs s’étaient décidés à rendre leurs prisonniers, mais qu’on avait envoyé de toutes parts à leur poursuite, et que Tahofa comptait pouvoir me les livrer dans la journée, pieds et poings liés, en même temps que les autres captifs ; qu’en conséquence, ce chef me priait encore d’attendre jusqu’à ce qu’on se fût assuré des fugitifs.
Sans aucun doute, ces deux malheureux déserteurs à l’ennemi eussent mérité un châtiment sévère, et les lois de la discipline militaire l’eussent impérieusement exigé dans les circonstances ordinaires du service. Mais j’étais impatient de quitter les rives de Tonga ; j’avais tout à craindre du caractère versatile des sauvages et des mauvaises dispositions de nos propres matelots. L’essentiel était donc de délivrer les individus qui semblaient disposés à revenir sur leur navire. D’ailleurs, quand ces deux déserteurs eussent été remis en mon pouvoir, il m’eût été fort difficile de rien