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REVUE. — CHRONIQUE.

ne pas montrer combien de plumes leur manquaient. Au dehors et au dedans, c’est toujours Venise ; Venise inquiète, masquée, se cachant dans l’ombre, tuant dans la nuit ; Venise avec ses prisons et ses gondoles, avec ses espions et ses fêtes et ses chants sous la fenêtre des belles. Un jeune cavalier napolitain est amoureux d’une Vénitienne, riche orpheline qui a pour tuteur le sénat. Jaloux tuteur ! L’Italien enlève la Vénitienne à ses surveillans après mille dangers. Le héros du livre est un bravo, honnête homme injustement soupçonné comme l’espion Birch. Il y a des scènes très-belles : la mort du pêcheur Antonio dans les lagunes, sous l’éclat argenté de la lune ; la mort de Jacopo sous le glaive du bourreau, en présence du palais du doge ; c’est une attachante lecture, pleine d’effroi : jamais Cooper n’avait été si intéressant et si animé. La traduction du roman est élégante et fidèle, c’est une fort amusante lecture dans les soirées d’hiver.

Voilà toutes les nouvelles littéraires. Cependant ce ne sont ni ces nouvelles, ni les séditions d’Angleterre, ni le choléra de Sunderland, ni même la brochure de M. de Chateaubriand qui ont le plus occupé Paris cette quinzaine. Ce qui a le plus occupé Paris, ce qui l’occupe encore, c’est d’abord le fossé des Tuileries, et ensuite le vol des médailles à la Bibliothèque du roi.

On ne saurait croire toutes les conjectures qu’a fait naître ce malheureux fossé des Tuileries. Ce sont des murmures, des plaintes, des moqueries, des rires de pitié. À voir ces travaux de bien près, il est difficile d’y rien comprendre. Cela n’a ni plan, ni grâce, ni goût, ni utilité, cela gâte les promenades du Parisien qui tient à la promenade, comme il tient à tous ses plaisirs à bon marché. La garde nationale s’écrie que la royauté de juillet se barricade, comme si elle n’osait plus se confier aux baïonnettes citoyennes ! On demande de toutes parts des explications à ce sujet au ministère. Le ministère, ne sachant que répondre, en demande lui-même à M. Fontaine ; M. Fontaine ne répond rien : c’est pourtant lui, selon nous, M. Fontaine, qui est le vrai coupable en tout ceci.