Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
L’ASTROLABE À TONGA-TABOU.

Fabry et Bellanger seuls étaient parfaitement étrangers à ces coupables desseins. Il en résulte naturellement que ce sont les seuls dont le sort me paraisse digne d’intérêt. Si le bruit dont je viens de parler était fondé, la conduite de Tahofa serait moins odieuse, puisqu’elle n’aurait pour objet que de s’assurer la possession d’hommes qui se seraient, pour ainsi dire, donnés à lui.

Toute la nuit, il a tombé de la pluie, et le vent a soufflé au nord-est et à l’est-nord-est par raffales. Les naturels ont encore travaillé à abattre beaucoup d’arbres.

(18 mai.) Vers sept heures et demie du matin, nous avons tous reconnu très-distinctement, au bord de la mer, et à trois cents pas environ à l’est des remparts de Mafanga, deux de nos hommes, Fabry et Bellanger. Le premier paraissait grièvement blessé à la jambe droite, et ne marchait qu’avec peine ; Bellanger lui aida à laver et panser sa plaie, puis ils allèrent s’asseoir sous des arbres du rivage. Au premier aspect, ils semblaient être libres, et personne ne se montrait auprès d’eux ; mais la lunette nous permettait de découvrir au travers des fourrés plusieurs hommes armés qui surveillaient attentivement toutes leurs actions. Il m’était facile de comprendre que les naturels voulaient par-là nous tendre un nouveau piége : ils comptaient trouver l’occasion de nous tuer du monde, si je tentais d’envoyer un canot pour reprendre ces deux matelots ; mais je ne fis pas le moindre mouvement.

Le ciel s’est chargé de plus en plus ; la pluie a tombé par torrens, et le vent a soufflé bon frais à l’est, avec d’assez fortes rafales. Il a fallu détalinguer la partie de la grosse chaîne qui se trouvait sur l’ancre de bâbord, pour la rajuster avec celle de tribord, et étalinguer en place la grande touée, afin de nous procurer les moyens de filer de nos amarres.

Nous n’avons pas envoyé un seul coup de canon, et nous nous sommes contentés de tirer de temps en temps quelques coups de fusil pour tenir les naturels en haleine. Aujourd’hui, ils ont constamment observé un profond silence, et