Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.
325
RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.

orateurs qui éclatent, tout cela glisse en silence, sans laisser une trace, sans écho ! Encore une fois, il n’y a que l’art qui mérite toute notre attention ; il nous donne les émotions durables, les larmes véritables, les terreurs réelles, les joies naïves, il nous anime, il nous fait vivre, il nous fait rêver ; avec l’art, nous nous sentons des hommes. La poésie, le drame, la peinture, le roman, la musique, les sons éclatans de l’orchestre ; puis l’art bourgeois, les petits détails de la vie, le minutieux bonheur d’intérieur, le bien-être quand il fait nuit, quand on a un bon feu, quand on n’est pas juré aux assises, garde national à la mairie, propriétaire dans la Vendée ou préfet à Strasbourg ; c’est toujours à ces délassemens de l’imagination et de la pensée que nous serons obligés de revenir.

Le dégoût politique va si loin, que nous préférerions même les assises à la chambre des députés. On parle d’un grand crime à Versailles. Un jeune homme qui tue son ami. Il le tue dans une auberge avec d’épouvantables détails. Le meurtrier s’enfuit. Le cadavre du mort est porté à la Morgue ; à la Morgue, on le reconnaît : voilà le meurtrier découvert ! L’homme arrêté, on va de crimes en crimes, d’horreurs en horreurs ; on arrive jusqu’à la mère du meurtrier : alors surviennent de graves soupçons de parricide. Cette mère, en effet, a été égorgée la nuit ; on lui a coupé la jugulaire, et depuis on n’a pas découvert le meurtrier ! Ce sera là un beau procès, de longues et sanglantes complications, un vif intérêt. Ce crime arrive tout exprès à l’appui de la brochure de M. l’avocat Urtis : Défense de la peine de mort.

Où donc est-il le beau temps où toute la France avait pour événement unique, pour émotion unique, l’assassinat de Fualdès ?

En attendant, le procès de la semaine est curieux et plein de faits étranges. Les plus grands noms politiques de l’époque ont retenti dans les assises. Il s’agissait du procès de la Tribune, qui, à propos des achats de fusils à l’étranger, avait, sous forme d’interrogatoire, accusé de concussion le maréchal Soult et M. le président du conseil. M. le maréchal et M. Perrier font un procès en calomnie. Les débats sont longs, les témoins abondent, personne ne se rappelle ni les mots qu’il a dits, ni les lettres qu’il a reçues, ni celles qu’il a écrites ; M. Gisquet, notre préfet de police actuel, vient à la barre raconter l’histoire de ces malheureux fusils. Les fusils de Beaumarchais n’ont pas fait plus de bruit dans leur temps. Ce procès est malheureux pour plusieurs raisons. Il est dur pour la France de payer trop cher trois cent mille fusils étrangers. Un fusil anglais