sant, de plus prestigieux que certaines pages de la Peau de Chagrin. L’auteur dit tout, et son expression est toujours chaste. Il sait jeter une enveloppe capricieuse et fantastique sur ce qui veut être deviné, et par des touches brusques, incisives, pittoresques, mettre en relief les hommes, les choses, les systèmes, les idées. Puis, ce sont des descriptions pleines de vie, des digressions adorables : la débauche, les dettes, le suicide… Je voudrais bien citer quelques lignes de M. de Balzac pour dédommager le lecteur des miennes.
« Je me souviens, dit Raphaël, en parlant de sa pauvre mansarde, je me souviens d’avoir souvent mangé délicieusement et gaîment mon pain, mon lait, assis auprès de ma fenêtre, en respirant l’air du ciel, en laissant planer mes yeux sur un paysage de toits bruns, grisâtres, rouges, en ardoises, en tuiles, couverts de mousses jaunes ou vertes. Si d’abord cette vue me parut monotone, bientôt j’y découvris de singulières beautés. Tantôt, le soir, des raies lumineuses, parties des volets mal fermés, nuançaient et animaient les noires profondeurs de ce pays original. Tantôt les lueurs pâles des réverbères projetaient d’en bas des reflets jaunâtres à travers le brouillard, et accusaient faiblement les rues dans les ondulations de ces toits pressés, océan de vagues immobiles. Puis, parfois, de rares figures se dessinaient au milieu de ce morne désert ; c’était, parmi les fleurs de quelque jardin aérien, le profil anguleux et crochu d’une vieille femme arrosant des capucines ; ou, dans le cadre d’une lucarne pourrie, quelque jeune fille faisant sa toilette, se croyant seule, et dont je n’apercevais que la jolie tête et les longs cheveux élevés en l’air par un bras éblouissant de blancheur. »
Le merveilleux des Mille et une Nuits qui s’attache à la destinée d’un Parisien que nous avons rencontré souvent, et avec lequel nous avons peut-être fait une partie d’écarté, a quelque chose qui choque ; mais une fois le premier coup porté, le croyable et l’invraisemblable s’identifient aux yeux du lecteur (qu’on me passe la comparaison), ainsi que le