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M. DE BALZAC.

les moindres pochades, on l’apostrophe ainsi, avant de se mettre sous le charme de son talent : « Allons, sorcier ! à propos de quoi vas-tu faire de l’esprit, du style, de la magie ? Est-ce encore quelqu’un de nos généraux qui se déshonore en Espagne, dans le pays des cruautés, par une cruauté plus raffinée et presque gratuite ? J’ai lu El Verdugo et son dénouement sanguinaire ; je l’ai lu, et je suis un peu moins fier d’être Français… Est-ce encore quelque aventure atroce, comme celle de cet œil que l’on écrase, et capable de mettre les attaques de nerfs en permanence dans toutes les pensions de jeunes demoiselles ? Vas-tu nous développer cette consolante pensée : que les vérités ne sortent de leurs puits que pour prendre des bains de sang ? Tiens-tu en réserve quelque suite à cette grande apologie paradoxale de la Saint-Barthélemy, que tu nous as donné dans les Deux Rêves ? Ah ! c’est peut-être une scène oubliée de la Comédie du Diable, dont le début s’appelle, comme celui de la messe, l’Introït ! Ô frondeur impitoyable, tu as soulevé bien des questions dans cette farce satanique, et peut-être est-elle un peu mesquine, malgré tes légions de personnages ; un peu froide même, quoique la scène se passe en enfer… Qu’importe ? personne n’a sifflé. C’est toi, l’auteur, qui nous as sifflés tous, pauvres spectateurs ! Emporte-nous encore dans ton char philosophico-fantastique, où la tête tourne, où la raison cède souvent les rênes à la folle du logis… Mais, pour Dieu ! si tu trouves encore sur ton chemin quelques mystères physiologiques, psychologiques et autres, dévoile-nous-les une bonne fois, dans toute leur profondeur, et ne les aborde pas d’un air si dégagé. Commence, parle, l’homme aux hallucinations ! dispose de nous. Au diable nos préjugés scientifiques, religieux, politiques, littéraires, nos convictions plus ou moins intéressées, plus ou moins flexibles, plus ou moins niaises… Parle ! En quoi veux-tu que nous ayons foi, ou plutôt que nous n’ayons