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LITTÉRATURE CRITIQUE.

Dans cette même préface, M. de Balzac prétend que la Physiologie du Mariage était une tentative pour remonter à la littérature fine, vive, railleuse et gaie du dix-huitième siècle. Ce livre est en effet plein de finesse, vif, railleur et gai ; mais il porte surtout le cachet du dix-neuvième siècle. J’ignore ce que l’auteur entend par cette réaction littéraire que préparent certains bons esprits, mais je sais que, s’il y a quelque chose de voltairien, ou plutôt de rabelaisien, dans la tournure de quelques-unes de ses phrases, dans la philosophie incrédule et moqueuse avec laquelle il passe l’humanité en revue, la partie artiste de son talent est essentiellement actuelle.

Les Scènes de la vie privée ont beaucoup d’intérêt et plus de naturel que la manière de l’auteur n’en comporte ordinairement. L’auteur a senti qu’on pouvait lui reprocher quelques longueurs, quelques minuties de détails, aussi s’est-il hâté de prendre les devans, et de dire à la critique qu’il avait eu ses raisons pour agir ainsi… Nul n’en doute à présent, et le succès a prouvé qu’elles étaient bonnes. Les détails pleins d’élégance et de finesse sont un des caractères distinctifs de ses ouvrages ; s’ils ralentissent quelquefois l’action, ils en donnent toujours une intelligence plus vive et plus profonde.

Il y a encore bon nombre de personnes qui demandent compte à un livre du temps qu’elles ont passé à le lire, qui croient que les ingénieuses spéculations d’un auteur doivent être autre chose qu’une pâture offerte aux imaginations désœuvrées et blasées ; qui cherchent enfin, dans la littérature, un amusement solide, des émotions utiles, des vérités pratiques. Cette classe de lecteurs préfère les Scènes de la vie privée de M. de Balzac, à ses diableries philosophiques. Les contes et romans philosophiques sont lus avec avidité ; ce sont aussi de curieux tableaux de mœurs, assaisonnés, pour la plupart, d’un merveilleux cabalistique indéfinissable. Ce n’est ni Rabelais, ni Voltaire, ni Hoffmann, c’est M. de Balzac. Hoffmann, le fondateur de l’école fantastique, a au