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UNE COURSE DE TAUREAUX.

le cachetero, qui, lui glissant doucement la main entre les deux cornes, lui enfonça un poignard dans la tête.

Il s’abattit tout-à-fait.

La tragédie toro-humaine était achevée. —

Le roi se leva pour partir. Il faisait presque nuit ; cependant le peuple demandait à grands cris un huitième taureau.

Le roi se retira sans écouter.

Que voulait de plus cet insatiable peuple ?

On lui avait donné sept taureaux, vingt chevaux, et un homme ! —

Que voulait-il de plus ?


La nuit avait baissé le rideau. Le spectacle était fini. Il était temps ; j’en avais assez ainsi ; je respirais enfin plus librement.

Je me levai pour sortir.

Pepita m’avait pris le bras, et s’appuyait familièrement sur moi. Elle s’appuyait sur du marbre. Je ne disais mot ; je me sentais peu touché de cette brusque intimité ; — je la souffrais cependant.

Cette jeune fille, me disais-je, est belle ; mais elle n’a pas la beauté de la femme, la vraie beauté, la douce pitié qui tremble et pleure.

Quand nous fûmes descendus, lorsque nous nous trouvâmes dehors :

— La course a été bien belle, ami, me dit Pepita, avançant son visage sous le mien.

Je la regardai fixement.

Elle souriait encore. C’était toujours ce sourire fatigant, ce sourire vulgaire qui s’empare de la figure à l’insu de l’âme, qui ne traduit rien du cœur et n’amène aux yeux nulle ombre de la pensée ; ce sourire qui vient s’étendre sur les lèvres,