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LITTÉRATURE.

parce que j’allais me trouver mal ; — elle buvait, elle, parce qu’elle avait soif ; — elle buvait vite, regardant en même temps dans l’arène, de peur de perdre quelque chose de la course qui continuait.

J’étais choqué de cette excessive attention, qu’aucune préoccupation ne pouvait distraire.

J’étouffais, j’avais besoin de respirer plus librement. Je me levai, je sortis, et j’allai me promener dans le corridor extérieur qui entoure les gradas cubiertas. Là, je me mis à une petite croisée qui regarde hors du cirque du côté de la chapelle et des autres bâtimens dépendans de la place.

À travers les vitraux de la fenêtre de la chapelle, je voyais briller sur l’autel les cierges allumés ; je voyais les fleurs dont, avant la course, les toreros avaient déposé l’offrande, avec leurs prières, aux pieds de la madone ; ni les cierges, ni les fleurs, ni les prières n’avaient ce jour-là sauvé Montès.

Il devait être mort déjà. Un vieux capucin du couvent de San Pasqual que je vis passer, tout pâle et les mains jointes, n’était même pas sans doute arrivé à temps pour le confesser.

Aux portes des écuries il y avait une dixaine de chevaux tout sellés et bridés, victimes préparées aux taureaux et destinées à être éventrées à tour de rôle.

Plus près, sous mes yeux, aux portes du cirque, on voyait des curieux, des amateurs en foule. C’étaient la plupart des mendians, qui, n’ayant pu payer pour entrer, restaient là du moins, afin de voir passer les corps des chevaux et des taureaux tués, à mesure que les mules les enlevaient et les traînaient au matadero.

À côté, des groupes de jolis petits enfans jouaient au taureau ; c’était une innocente parodie du sérieux et vrai drame qui se jouait aussi à deux pas ; c’était une préparation à son intelligence ; — pour ces enfans, c’était une éducation.

Je comprenais mieux Pepita. Je m’expliquais son courage et son sang-froid ; je leur trouvais des excuses ; elle n’était elle-même qu’une enfant. Plus aguerri, je rentrai ; je revins m’asseoir auprès d’elle.