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UNE COURSE DE TAUREAUX.

rais mieux aimé ne pas rencontrer ce sourire ; ou bien, — j’aurais voulu qu’elle eût souri — d’un autre sourire.


III.
Le Matador.

Cependant le taureau avait éventré deux autres chevaux, et les larges et profondes blessures que les lances des picadors lui avaient faites et d’où le sang ruisselait à flots, semblaient, loin de l’affaiblir, l’irriter davantage et redoubler ses forces.

Au grand mécontentement du peuple, qui en témoignait violemment son improbation, la troupe légère des banderilleros s’était mise en mouvement et avait déjà planté dans le cou du taureau plusieurs paires de banderillas.

Ce mécontentement était bien naturel et bien légitime. — Dans les vrais principes, on ne doit permettre de placer les banderillas qu’au moment où le taureau fatigué refuse enfin d’entrer, c’est-à-dire lorsqu’il recule devant la lance du picador qui le défie.

Pepita elle-même, comme tous les aficionados de mon voisinage, se plaignait hautement.

— On nous avait fait tort peut-être de trois ou quatre chevaux. — C’était bien la peine que le roi présidât la course, pour que les règles fussent violées ! —

Mais le mal était fait. On avait entendu le roulement du tambour. Le matador qui allait remplacer Montès et jouer son rôle, entrait en scène. On lui remit l’épée et la muleta[1] ; il alla s’agenouiller au pied de la loge du roi et lui demander, selon l’usage, la permission de tuer le taureau. Puis, cette

  1. La muleta est un petit drapeau rouge attaché à une baguette.