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VOYAGES.

senté le saint solitaire, agenouillé devant sa demeure presque inaccessible, et soutenant d’une main que Dieu a investie de sa puissance, le rocher qui menace toujours sans crouler jamais.

La première partie de la route de Saint-Branchier à Orsière est pénible. C’est une de ces voies droites et ardues qui étonnent moins dans les Alpes que leurs sentiers gracieux et leurs riantes vallées. Orsière, dont les amateurs d’origines verbales ne seront pas embarrassés d’expliquer le nom, est un petit bourg que recommande l’antiquité de sa jolie église romane. Presque toutes celles qui parent le mont Saint-Bernard de leurs flèches élancées ont le même caractère. Il est évident que la fondation de Saint-Bernard de Menthon ne tarda pas à rallier autour d’elle de petites colonies chrétiennes qui remplacèrent peu à peu les établissemens du paganisme, dont la montagne présente encore des vestiges. De quelque siècle, de quelque pays, de quelque religion qu’il fût, l’homme n’a pu se soustraire à l’idée du Dieu tout-puissant, dans ces régions aériennes qui appartiennent plus au ciel qu’à la terre.

Avant d’arriver à Liddes, après avoir côtoyé long-temps de hauts rochers calcaires à plans verticaux et brillans, d’un aspect très-bizarre, on distingue au fond de la vallée, sur le bord du torrent dont on occupe alors la droite, un village que ses habitans n’ont pu parvenir à cacher tout-à-fait dans cet abîme. On connaît même son nom : il s’appelle Drance, comme les eaux qui arrosent ses tristes rivages, et qui ont probablement déterminé la station de bateliers, de pêcheurs et de bûcherons, qui reposent dans ce domaine des inondations et des avalanches, sur la foi de la Providence et de saint Bernard.

Liddes est le gîte ordinaire des voyageurs. Les chars ne vont pas plus loin. L’auberge y est excellente, comme la plupart des auberges de la Suisse, et je devrais une mention nominale aux honnêtes gens qui en font les honneurs avec une bienveillance toute patriarcale, si ma mémoire était