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LE MONT SAINT-BERNARD.

publiques, au premier degré du Mont-Géant. Le hameau de la Valette y conserve quelques fourneaux construits autrefois, et dès long-temps abandonnés, pour l’exploitation du cuivre et du plomb. Le premier monument qu’offre le mont Saint-Bernard, est celui d’une cupidité trompée dans ses espérances, au milieu de tous les trésors qui pouvaient les flatter ; le dernier est celui d’une charité invariable dans ses sacrifices, au milieu de toutes les épreuves et de tous les obstacles qui devaient rebuter son courage. Il y a plus d’une demi-lieue de hauteur en ligne perpendiculaire entre les derniers efforts de l’industrie et les derniers triomphes de l’humanité.

Une demi-lieue plus loin que la Valette, on trouve les dernières vignes, et en faisant quelques pas de plus, les derniers noyers. Rien de plus imposant, de plus triste, et cependant de plus doux, que les aspects de la Drance, qui coule profondément dans son lit étroit sous une double et superbe tenture latérale de mélèzes, de pins, de bouleaux. Ce tableau qu’Appelle consacra à Neptune, et qu’il suspendit aux rivages de la mer, n’était qu’un tableau. Ici, c’est la nature dans toute sa grandeur, dans toute sa sublimité, la végétation près de finir et plus belle qu’elle n’a jamais été nulle part, car il est du caractère des choses essentiellement belles de s’embellir encore de l’approche du moment qui nous les ravit. Voyez les fleuves à leur embouchure, le soleil à son couchant, et l’homme de bien à sa mort.

Le village de Saint-Branchier est remarquable par l’inclinaison immense d’une montagne qui se penche sur lui, et dont l’œil effrayé attend la chûte. Je frémis de penser qu’au moment où j’écris, elle doit être tombée, si je ne me suis pas trompé sur son horrible déclivité ; la montagne opposée, contre le pied de laquelle Saint-Branchier est appliqué comme une découpure, est dominé par un petit ermitage qui a l’air d’être placé en vigie au-dessus du village pour le préserver de ce péril assidu, éternel, et je ne serais pas étonné qu’un peintre inspiré des temps intermédiaires eût repré-