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UN PRESSENTIMENT.

nes de l’église Sainte-Catherine. Là, il s’assit sur une pierre blanche et polie, taillée en forme de croix : elle était tombée d’un arceau voisin. Elle y est encore ; je l’ai vue comme il me l’avait dépeinte : c’est la seule pierre blanche au milieu de ces ruines. En écartant de longues touffes de chiendent qui ont poussé contre la partie qui regarde la montagne, on y aperçoit encore deux noms, une petite croix, et au-dessous le mot ici, gravé avec la pointe d’un couteau.

Après avoir repris haleine un moment, ils regardèrent en arrière, et virent loin d’eux les promeneurs qui revenaient lentement, comme on revient, vous savez, quand la soirée est belle, l’air pur, et que les nuages semblent de longues vagues empreintes de mille couleurs.

Ils se mirent alors à admirer les pompes du soleil couchant. La voûte du ciel au-dessus d’eux était sombre : les étoiles y brillaient déjà ; puis la teinte allait s’éclairant doucement, elle arrivait au bleu, effaçait toutes les étoiles excepté Vénus ; puis se fondait dans les nuances si variées de l’occident ; puis là c’était une fournaise de nuages incendiés, au milieu desquels les rayons réfractés de lumière et de feu se brisaient dans tous les sens.

La jeune tante et lui admiraient cette fin du jour, et regardaient le soleil dans ses langes de pourpre et d’or. Les ruines de Sainte-Catherine étaient en avant d’eux un peu à droite, et s’enlevaient sur le clair de l’horizon. Quelques rayons de lumière égarés jouaient le long des ogives, des pans de murs et des fûts de colonnes qui subsistent encore, ils glissaient dans les trous et les angles des sculptures en broderies dentelées, et relevaient, par des lignes brillantes, la sombre masse des ruines. Elles n’étaient pas nues et décharnées, ces ruines ; car la nature avait pris soin de les parer, comme elle sait faire de toutes ses œuvres, avec des touffes de grande ortie, d’églantine, de ronces ; avec des lierres acharnés à grimper partout, des gueules de lion, des giroflées, des œillets sauvages, et toutes les longues herbes qui pendent aux crevasses, et tremblent ou se balancent au vent.