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LITTÉRATURE.

bordés de paupières blondes très-longues, ces paupières formaient une petite ombre sur ses joues, ses joues étaient roses sans rouge ; ses lèvres étaient rouges sans corail ; son cou était blanc et bleu, sans bleu et sans blanc ; sa taille, faite en guêpe, était à tenir dans la main d’une fille de douze ans, et son corps d’acier n’était presque pas serré, puisqu’elle y avait place pour la tige d’un gros bouquet qui s’y tenait tout droit. Ah ! mon Dieu, que ses mains étaient blanches et potelées. Ah ! ciel, que ses bras étaient arrondis jusqu’au coude ! ces petits coudes étaient entourés de dentelles pendantes, et son épaule fort serrée par une petite manche collante. Ah ! que tout cela était donc joli ! Et cependant le roi dormait.

Les deux jolis yeux étaient ouverts tous deux, puis se fermaient long-temps sur le livre (c’était les Mariages samnites de M. Marmontel, livre traduit dans toutes les langues, comme l’assure l’auteur.) Les deux beaux yeux se fermaient donc fort long-temps de suite, et puis se rouvraient languissamment en se portant sur la douce lumière bleue de la chambre ; les paupières étaient légèrement gonflées et plus légèrement teintes de rose, soit sommeil, ou fatigue d’avoir lu au moins trois pages de suite ; car, de larmes, on sait que mademoiselle de Coulanges n’en versa qu’une dans sa vie, ce fut quand sa chate Zulmé reçut un coup de pied de ce brutal M. Dorat de Cubières, vrai dragon, s’il en fut, qui ne mettait jamais de mouches sur ses joues, tant il était soldatesque, et frappait tous les meubles avec son épée d’acier, au lieu de porter une excuse à lame de baleine.