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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

mais la chimie exige une attention soutenue : elle ne peut s’apprendre, et surtout avancer, que par une série d’expériences délicates, conduites avec précision ; or, tout ce qui exige du soin et de l’exactitude, en quelque genre que ce soit, répugne aux dispositions naturelles des Espagnols. Le désordre physique et moral est leur élément ; c’est là seulement qu’ils sont à l’aise. La méthode est pour eux une chose hors de nature que leur raison ne peut approuver, parce qu’elle ne la comprend pas. À Madrid, il y a des marchands de drogues, mais point de chimistes, et les remèdes les plus importans, l’amoniaque, l’éther, l’émétique, la quinine, etc., sont tous tirés de France. Les mathématiques sembleraient mieux à la portée des intelligences du royaume catholique, « puisqu’elles sont trouvées et qu’il n’y a qu’à les concevoir ; » mais les seules personnes à qui il soit permis de les étudier, sont de jeunes militaires destinés à l’artillerie et au génie : au reste, il n’y a pas lieu d’en interdire l’étude à d’autres qui, ne devant en recueillir que des persécutions, ne sont nullement tentés de s’y livrer. Dans l’art militaire, où cette étude est encouragée, les Espagnols sont de beaucoup en arrière des autres nations de l’Europe. Le peu de sciences exactes qu’on apprend dans les écoles est traduit des ouvrages français, et encore l’enseigne-t-on fort mal. La botanique, qui exige moins de travail que la chimie et les autres sciences naturelles, a fait quelques progrès ; et plusieurs auteurs, Cavanilles, Ruiz, Pavon et Lagasca, s’y sont distingués.

La médecine n’aurait pu se relever en Espagne sans porter ombrage au clergé, avec lequel elle se trouve toujours en contact dans le sein des familles et au lit des mourans ; suspecte d’ailleurs de tendance au matérialisme, l’intérêt ecclésiastique l’a déprimée.

Les médecins et les chirurgiens sont en général de pauvres diables, sans consistance, à vingt sous tout au plus par visite, et qui par leur ignorance et leur bassesse sont méprisés de ceux mêmes qui croient ne pouvoir se passer de leurs se-