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L’ASTROLABE À TONGA-TABOU.

ne pouvait me forcer plus long-temps à la dissimulation. En conséquence, je fis répondre à Tahofa, par l’Anglais Read, que je n’avais plus besoin d’aucune sorte de provisions, que le navire allait mettre à la voile, et que je lui faisais mes adieux. Sur cela, Tahofa prit ma main, et la serra avec amitié, d’un air qui semblait même vivement ému ; il en fit autant à l’égard de tous les officiers présens sur le pont ; puis il sauta lestement dans sa pirogue, et alla débarquer sur Pangaï-Modou.

Au même instant, toutes les pirogues qui environnaient l’Astrolabe poussèrent au large : l’on eût dit qu’elles exécutaient ce mouvement à un signal convenu, tant il fut rapide et simultané. J’en fus surpris et en même temps satisfait, dans l’espoir que nous allions être bien plus libres dans nos manœuvres par l’absence des naturels. D’ailleurs, comme je connaissais la haute influence de Tahofa, je présumai qu’il n’avait pas voulu qu’aucun marché eût lieu à bord, et qu’il avait donné des ordres en conséquence. J’avais remis à Read quelques objets que je lui avais promis, ainsi qu’une médaille en bronze de l’expédition, et cet Anglais avait disparu quelques minutes avant Tahofa.

Un instant auparavant, j’avais chargé M. Jacquinot d’envoyer le bot (le plus petit canot) à terre avec deux hommes, pour ramener Jacon ; mais cet officier m’avait fait observer qu’il n’avait pas eu le temps de faire faire la provision de sable habituelle pour nettoyer le pont ; et comme la yole devait rester à la mer pour marcher en avant du navire, et éclairer sa route, sous la direction de M. Lottin, il me proposa de l’expédier avec un nombre suffisant de bras, pour faire promptement une petite provision de sable. Cette observation me parut juste, et je priai seulement M. Jacquinot de placer un élève dans le canot pour surveiller les hommes et accélérer leur travail, en lui enjoignant de ne pas rester plus d’une demi-heure à terre. Ce canot était parti et arrivé au rivage quelques minutes avant les naturels.

Neuf heures avaient sonné, et je venais de descendre dans