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LE BONNET DU MAÎTRE LA JOIE.

— Ah bah !… mon officier, c’est l’histoire de rire ; … ils jouent.

— Les couteaux sont de la partie, lui dis-je…

— Est-ce que La Joie s’en est mêlé ? me demanda-t-il.

— Comment ? La Joie

— Oui, mon officier, le grand pâle, il s’appelle La Joie ; c’est qu’il est brutal en diable… et fort, fort comme un cabestan…

— Oui, oui, il s’en est mêlé ; ainsi, allez vite, car ils s’égorgent… Entendez-vous ces cris ?

— Ah bah !… N’y a pas de mal, mon officier : petite pluie abat le gros grain. Avez-vous fait votre choix ?…

— D’abord, maître Polard, deux étaient ivres-morts…

— Je parie que c’est Cavelier et Jangras

— C’est possible… Les deux autres m’ont l’air de vrais corsaires.

— Le petit blond,… pas vrai ? mon officier, et le gros noirot… Vous avez raison… Deux faï-chiens, deux carognes… Vous venez de la part du brave commandant B***, je ne voudrais pas vous tromper. Ici, il n’y a que La Joie qui puisse vous convenir : c’est fort, c’est sage, mais sombre et taciturne en diable.

— Va pour La Joie, lui dis-je tout rêveur ; vous me l’enverrez à bord demain au coup de canon.

— Suffit, mon officier ; j’irai avec lui pour les avances, comme de juste.

— À la bonne heure, je vous attends.

Au point du jour, Polard était à mon bord avec La Joie ; je les fis tous deux descendre dans ma chambre.

— Capitaine, dit Polard, voici La Joie dont je vous ai parlé…

— Approche, lui dis-je.

Il s’approcha. — Où as-tu navigué en dernier lieu ?

— J’arrive de Lima, capitaine, passager sur le brick l’Alexandre.

— Passager !…