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LA ROSE ROUGE.

qu’à l’amour maternel, il y eut une maison dans la ville de Nantes, une seule peut-être, où tout fut bonheur et joie, quand autour d’elle tout était larmes et douleurs.

Oh ! comme Blanche et Marceau se laissaient vivre de leur nouvelle vie ; comme l’autre leur semblait loin derrière eux ! c’était presqu’un rêve. Seulement de temps en temps le cœur de Blanche se serrait, et des larmes jaillissaient de ses yeux ; c’est que tout à coup elle pensait à son père. Marceau la rassurait ; puis, pour la distraire, il lui racontait ses premières campagnes, comment le collégien était devenu soldat à quinze ans, officier à dix-sept, colonel à dix-neuf, général à vingt-un. Blanche les lui faisait répéter souvent, car dans tout ce qu’il disait il n’y avait pas un mot d’un autre amour.

Et cependant Marceau avait aimé, aimé de toutes les puissances de son âme, il le croyait du moins. Puis bientôt il avait été trompé, trahi ; le mépris, à grande peine, s’était fait place dans un cœur si jeune qu’il n’y avait que passions. Le sang qui brûlait ses veines s’était refroidi lentement, une froideur mélancolique avait remplacé l’exaltation ; Marceau enfin, avant de connaître Blanche, n’était plus qu’un malade privé, par l’absence subite de la fièvre, de l’énergie et de la force qu’il ne devait qu’à sa seule présence.

Eh bien ! tous ces songes de bonheur, tous ces élémens d’une vie nouvelle, tous ces prestiges de la jeunesse que Marceau croyait à jamais perdus pour lui, renaissaient dans un lointain encore vague, mais que cependant il pouvait atteindre un jour : lui-même s’étonnait que le sourire revînt quelquefois et sans sujet passer sur ses lèvres ; il respirait à pleine poitrine, et ne ressentait plus rien de cette difficulté de vivre, qui la veille encore absorbait ses forces, et lui faisait désirer une mort prochaine comme la seule barrière qui ne puisse dépasser la douleur.

Blanche de son côté, entraînée d’abord vers Marceau par un sentiment naturel de reconnaissance, attribuait à ce sentiment les diverses émotions qui l’agitaient. N’était-il pas