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LE RENDEZ-VOUS.

Duroc, auquel il dit une phrase courte qui fit sourire le grand-maréchal.

Les manœuvres commencèrent. Alors la jeune personne, qui, jusqu’à ce moment, partageait son attention entre la figure impassible de Napoléon et les lignes bleues, vertes et rouges des troupes, ne vit plus, au milieu de tous les mouvemens rapides et réguliers exécutés par ces vieux soldats, qu’un jeune officier courant à cheval parmi les lignes mouvantes, et revenant, avec une infatigable activité, vers le groupe doré à la tête duquel brillait Napoléon.

Cet officier était l’amant de la jeune fille. Il montait un superbe cheval noir, et se faisait distinguer, au sein de cette multitude chamarrée, par le brillant uniforme des officiers d’ordonnance de l’Empereur. Le soleil rendait ses broderies si éclatantes, il communiquait une lueur si forte à l’aigrette qui surmontait son petit shakot étroit et long, qu’il ressemblait à un feu follet qui aurait voltigé sur ces bataillons, dont les baïonnettes et les armes ondoyantes jetaient des flammes, quand les ordres répétés de l’Empereur les brisaient ou les rassemblaient, et les obligeaient soit à tournoyer comme les ondes d’un gouffre, soit à passer devant lui comme ces lames longues, droites, hautes et séparées que l’Océan courroucé envoie vers ses rivages.

Ces savantes manœuvres n’attiraient point les regards de Julie. Pour elle, l’officier était toute l’armée ; et, de toutes ces figures graves qui apparaissaient par masses, une seule l’occupait.

Quand les évolutions des régimens qui manœuvraient furent terminées, l’officier d’ordonnance accourut à bride abattue, et s’arrêta devant l’Empereur, comme pour en attendre l’ordre du départ.

En ce moment, il était à vingt pas de Julie, en face du groupe impérial, dans une attitude assez semblable à celle que M. Gérard a donnée au général Rapp dans le tableau de la bataille d’Austerlitz. Alors il fut permis à la jeune fille d’admirer son amant dans toute sa splendeur militaire. Le