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LITTÉRATURE.

rité, le bras de Julie, et l’entraînait rapidement vers le Carrousel.

Julie aperçut avec étonnement une foule immense qui se pressait dans le petit espace compris entre les murailles grises du palais et ces bornes, réunies par des chaînes, qui dessinent de grands carrés sablés au milieu de la cour des Tuileries. Cette bordure d’hommes et de femmes ressemblait à une plate-bande émaillée de fleurs. Le cordon de sentinelles, établi pour laisser un passage libre à l’empereur et à son état-major, avait beaucoup de peine à ne pas être débordé par cette foule empressée, qui bourdonnait comme les essaims d’une ruche.

— Cela sera donc bien beau ?… demanda Julie en souriant.

— Prenez donc garde !… s’écria l’officier.

Et, saisissant la jeune fille par la taille, il la souleva avec autant de vigueur que de rapidité, pour la transporter près d’une colonne.

Sans ce brusque enlèvement, la curieuse jeune fille allait être froissée par la croupe d’un superbe cheval blanc, harnaché d’une selle de velours vert et or, que le Mameluck de Napoléon tenait par la bride, presque sous l’arcade, à dix pas en arrière de tous les chevaux qui attendaient les grands officiers dont l’Empereur devait être accompagné.

Ce fut auprès de la première borne de droite, et devant la foule que le jeune homme plaça le vieillard et sa fille, en les recommandant par un signe de tête aux deux vieux grenadiers entre lesquels ils se trouvèrent.

Quand l’officier s’échappa, un air de bonheur et de joie avait succédé sur sa figure à l’effroi subit que la reculade du cheval y avait imprimé ; mais aussi Julie lui avait serré mystérieusement la main, soit pour le remercier du petit service qu’il venait de lui rendre, soit pour lui dire : — Enfin je vais donc vous voir !… Elle inclina même doucement la tête en réponse au salut respectueux que l’officier lui fit ainsi qu’à son père, avant de disparaître avec prestesse.

Il semblait que le vieillard eût à dessein laissé les deux