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LE RENDEZ-VOUS.

encombraient les deux côtés de la vieille arcade en marbre, par où l’empereur devait sortir en descendant le grand escalier des Tuileries.

— Tu le vois bien, mon père, nous sommes partis trop tard ! C’est de ta faute !

Et elle faisait une petite moue chagrine, qui annonçait toute l’importance qu’elle avait mise à voir cette revue.

— Eh bien, Julie, allons-nous-en ?… tu n’aimes pas à être foulée…

— Restons, mon père ? D’ici je puis encore apercevoir l’empereur. S’il périssait pendant la campagne, je ne l’aurais jamais vu !…

Le père tressaillit en entendant ces paroles. Sa fille avait des larmes dans la voix ; il crut même remarquer que ses paupières ne retenaient pas sans peine des pleurs qu’un chagrin secret y faisait rouler.

Tout à coup cette limpide humidité se sécha. La jeune personne rougit, et jeta une exclamation dont le sens ne fut compris ni par les sentinelles, ni par son père. À ce petit cri d’oiseau effarouché, un officier, qui s’élançait de la cour vers l’escalier dont il avait déjà monté deux marches, se retourna vivement. Il s’avança jusqu’à l’arcade du jardin, et reconnut la jeune fille, un moment cachée par les gros bonnets à poil des grenadiers. Aussitôt il fit fléchir, pour elle et pour son père, la consigne qu’il avait donnée lui-même ; et, sans se mettre en peine des murmures de la foule élégante qui assiégeait l’arcade, il attira doucement à lui la jeune personne enchantée.

— Je ne m’étonne plus de sa colère et de son empressement, puisque tu étais de service ! dit le vieillard à l’officier d’un air aussi sérieux que railleur.

— Monsieur, répondit le jeune homme, si vous voulez être bien placés, ne nous amusons pas à plaisanter. — L’empereur n’aime pas à attendre, et c’est moi qui suis chargé d’avertir le maréchal.

Tout en parlant, il avait pris, avec une sorte de familia-