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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

soit ; bien plus, vous vous opposez à la marche progressive de l’association française. Ce que la nation a donné, elle l’a donné en dépôt, et non pas en propriété aux individus ; non pas à tel membre du clergé, mais au culte ; elle l’a donné à la civilisation représentée par l’Église : elle le retire à la décadence et à la corruption de cette même Église. » Alors l’assemblée constituante décréta cette loi mémorable qui mettait les biens du clergé à la disposition de la nation : décision d’une incontestable équité, qui peut soutenir l’examen de la plus sévère raison. Tout fut juste dans cette destinée si différente du clergé : il ne saurait s’imputer qu’à lui seul sa gloire et sa ruine.

La noblesse française avait brillé pendant des siècles de l’éclat le plus vif. Patriciat chevaleresque, aimable, courageux, elle n’avait dégénéré que dans les salons de Versailles ; et le moment du combat la trouva débile et corrompue. Ici plus clairement qu’ailleurs, plus encore qu’à Sparte et qu’à Rome, lutte entre l’aristocratie et la démocratie. La noblesse se refuse à suivre le triomphe du peuple ; elle quitte le pays, déclarant qu’elle emporte la France avec elle. Le peuple reste sur le sol, et poursuit sa victoire. Tout moyen devient légitime :


Furor arma ministrat.


La confiscation est l’arme de la démocratie, moyen cruel, mais historiquement nécessaire ; exception terrible aux droits des individus, accident hideux qui ne saurait devenir une loi que dans ces crises où une société se refait en se déchirant. C’est à ces extrémités où furent poussés nos pères que nous devons un territoire divisé à l’infini, la propriété accessible à tous, la diminution progressive des prolétaires, la modestie si pure de notre dernière révolution, sa sobriété admirable dans la réaction et dans la vengeance. Ainsi, il a été donné à la France de ne pas périr, et de renaître plus forte dans cette mêlée furieuse, où tant de peuples se sont perdus. Sparte