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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

chus, et comme il le venge à travers les siècles de l’aveuglement, des fureurs et du poignard de l’aristocratie !

Quand les Barbares inondèrent la Gaule et l’Italie, ils ravagèrent d’abord les villes, les palais et les temples ; puis ils les conservèrent, et s’en firent les propriétaires, en vertu du droit de conquête, droit de puissance, de supériorité sur ce qui ne peut plus ni résister ni vaincre. Étaient-ils encore les légitimes possesseurs du monde, ces Romains, ces Italiens, ces Gaulois, dont le bras ne pouvait plus soutenir l’épée ? On a beaucoup trop calomnié le droit de conquête, qui, lorsqu’il n’est pas un brigandage inutile, régénère et renouvelle les sociétés. La grande invasion du ve siècle l’a trop clairement écrit dans l’histoire pour qu’on puisse en méconnaître la raison profonde, et la hache du barbare est véritablement la première colonne de la société moderne. La conquête amène la propriété, loin de l’anéantir ; les formes en sont nouvelles, compliquées, tortueuses, sans analogie avec rien de l’antiquité. Au système de la légalité romaine, la barbarie donne pour héritière la féodalité, base durable des temps modernes, tellement qu’elle résiste encore, en plusieurs endroits de l’Europe, au flot des révolutions.

Cependant, dans ce conflit des nouveaux maîtres et des vaincus dépossédés, il y avait une puissance qui savait alors diriger et consoler les peuples ; c’était l’Église, qui peu à peu devint riche dans l’intérêt des faibles et des pauvres. Jusqu’à Constantin, elle n’eut pas d’existence civile. Cet empereur néophyte permit le premier de donner par testament aux églises ; et le code de Justinien, après avoir consacré le premier titre du premier livre à la très-sainte Trinité, à une profession de foi catholique, et à une législation assez dure contre l’hérésie, traite, dans le second titre, des intérêts temporels de l’église naissante. D’abord on donna aux prêtres ce qu’il y avait de meilleur dans les produits de la terre et de la chasse, primitiæ ; la dixième partie d’une récolte, decimæ. Mais ces dons, oblationes, n’eussent pas suffi. Si, dans la société féodale, où la propriété terrienne était la règle de tout,