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MOEURS DES BRIGANDS ARABES.

traordinaire. Mais il arrive souvent que ses amis le délivrent de vive force, ou à l’aide du stratagème suivant :

Un parent du prisonnier, ordinairement sa mère ou sa sœur, se déguise en mendiant, et, à ce titre, reçoit l’hospitalité de quelque Arabe du camp où le haramy est retenu prisonnier. Après avoir reconnu la tente de son rabat, le parent déguisé s’y introduit pendant la nuit avec un peloton de fil dans sa main, s’approche de la fosse où il est couché, et, jetant un bout du fil sur la figure du prisonnier, tâche de l’introduire dans sa bouche, ou bien l’attache à un de ses pieds. Le prisonnier reconnaît ainsi que le secours est proche. La femme se retire, dévidant le peloton de fil jusqu’à ce qu’elle ait atteint une tente voisine. Alors elle éveille l’attention du maître de la tente, et, lui appliquant le peloton sur la poitrine, elle lui parle en ces termes : Regarde-moi ; par Dieu et par ta vie, un tel est sous ta protection.

Aussitôt que l’Arabe comprend l’objet de cette visite nocturne, il se lève ; et à l’aide du fil qu’il pelotonne à mesure qu’il avance, il se dirige jusqu’à la tente qui renferme le haramy. Il éveille alors le rabat, lui montre le fil que tient encore le prisonnier, et déclare que celui-ci est son dakhil. Dès ce moment, le haramy est délivré de ses chaînes, le rabat lui offre un repas, comme à un hôte nouvellement arrivé, et lui permet de partir en toute sûreté.

Ce que je raconte ici n’est point une fiction ; les faits sont exactement vrais, et la plupart des voleurs les plus entreprenans parmi les Arabes pourraient les confirmer d’après leur propre expérience.

Quelquefois le rabit obtient sa liberté d’une autre manière. L’ami venu à son secours reste dans le camp jusqu’à ce que les Arabes enlèvent leurs tentes, épiant le moment où le prisonnier, attaché sur un chameau, est transporté plus loin avec le bagage de la famille. Alors il tâche de trouver une occasion favorable pour séparer des chameaux qui portent le bagage celui que monte le prisonnier, et le conduit