Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/515

Cette page a été validée par deux contributeurs.
491
MOEURS DES BRIGANDS ARABES.

nant suspendu au-dessus de l’entrée un long et lourd bâton pour assommer le premier qui tenterait de sortir, et donner ainsi au haramy le temps de s’évader.

Si le vol réussit, le haramy et le haydé emmènent les chameaux à une certaine distance ; là chacun d’eux saisit par la queue un des plus vigoureux du troupeau, et le tire en arrière de toute sa force. Cette manœuvre leur fait prendre le galop, et les deux voleurs, traînés par leurs chameaux et suivis des autres, arrivent en peu d’instans au lieu du rendez-vous : de là ils vont promptement rejoindre le mostambeh, qui, pendant ce temps, a été occupé à se défendre contre les chiens. Il arrive souvent que ces voleurs adroits enlèvent de cette manière jusqu’à cinquante chameaux. Ils retournent chez eux à marches forcées, ne voyagent que la nuit, et se tiennent cachés le jour. Le chef de la bande et les trois principaux acteurs reçoivent une portion supplémentaire du butin.

Mais bien différentes sont les suites de l’entreprise quand elle vient à échouer. Si un voisin de la tente attaquée aperçoit le haramy ou le haydé, il éveille ses amis, qui entourent le brigand, et celui qui en saisit un le premier le constitue son prisonnier ou rabit. Les lois des Bédouins concernant le rabit sont extrêmement curieuses, et montrent l’influence que des coutumes transmises d’âge en âge peuvent exercer (alors même qu’elles ne se rattachent à aucune idée religieuse) sur les caractères les plus féroces et parmi les plus sauvages enfans de la liberté.

Le rabat (celui qui saisit le rabit) demande à son prisonnier ce qu’il est venu faire, et, en général, il accompagne cette question de quelques coups de poing sur la tête. « J’étais venu pour voler, mais Dieu a fait échouer mon projet, » est la réponse qu’il reçoit communément. Le captif est alors conduit dans la tente de son maître, où la prise d’un haramy excite une grande joie. Bientôt le rabat débarrasse la tente de tous les témoins ; puis, tenant son couteau levé sur le captif, il lui lie les mains et les pieds, et fait entrer