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LITTÉRATURE.

ordre de mon père qui ne sera point un crime ; mais je ne puis renoncer au vœu de toute ma vie, et faire le malheur de trois personnes, car il faut compter aussi ma mère, dont le sort est attaché au mien, pour céder à des ordres dont je ne signalerai pas les motifs : sachez-en gré au respect filial que je garde encore pour vous.

Le Comte.

Quels motifs osez-vous supposer ?

Don Félix.

Lesquels ? L’adultère et l’inceste… (Le comte met la main sur son épée.) Écoutez… Non content d’outrager, de maltraiter, de trahir la mère de votre fils, vous voulez déshonorer sa femme ; car, aux yeux de Dieu, aux miens, aux vôtres, elle est déjà ma femme. Je voulais me taire… mais trop de sentimens sont froissés en moi par vos outrages, trop de fibres de mon cœur se sont brisées sous vos coups, pour ne pas éclater… Vous ne me laissez rien sur la terre de pur et d’intact. Vous flétrissez tout ce que j’honore, tout ce que j’aime, de votre haine ou de votre amour… Ma mère, ma bonne mère, la fille d’un connétable, qui vous a apporté en dot un si beau nom, une si grande fortune, une vertu si haute, si irréprochable, vous la traitez comme la plus impure des concubines, comme la plus vile des servantes ! Je vous l’ai vu injurier, frapper devant moi, sur son fils, qu’elle a porté dans son sein, sur ses bras, dans son cœur… Elle, accoutumée dès son enfance à tout ce que la tendresse a de plus doux, à ce que l’opulence a de plus enivrant, n’a trouvé ici que misère et haine : est-ce la récompense d’une vie entière de vertu, de dévoûment, d’abnégation de soi-même ? N’est-ce pas un nouvel outrage qu’elle partage avec moi, que ce que vous appelez votre amour pour dona Maria ? Dona Maria, cette créature si pure, si dévouée et si aimante ! Quand je pense que vous avez osé… j’ai vu la lettre… lui proposer de l’acheter avec de l’or… un peu plus d’or que pour une courtisane !… Certes vos offres étaient magnifiques, il fallait de la vertu pour résister. Mais si vos biens n’avaient pas suffi, les miens et ceux