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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

même de son abdication, le bruit courut qu’à l’exemple de Lubowidzki, il allait s’enfuir pour dévoiler aux Russes les plans de la prochaine campagne, et dès le soir on voulait s’emparer de sa personne à la promenade ; le général Klicki lui envoya pour l’accompagner un officier qui avait été son aide-de-camp, et en instruisit le conseil suprême. Tout le monde convint qu’il fallait s’assurer de lui, ne fût-ce que pour calmer l’inquiétude du peuple ; mais les opinions étaient divisées sur le mode d’arrestation. Enfin, sur l’avis de Lelewel, le maréchal de la diète, Wladislas Ostrowski, et le président du sénat, Czartoryski, se rendirent auprès de lui, et lui demandèrent sa parole de ne pas quitter la capitale. Cette promesse obtenue aurait satisfait tous les esprits, mais Chlopicki refusa de la donner. « Vous pouvez, dit-il, faire de moi tout ce que vous voudrez, je suis accoutumé aux prisons militaires, on m’a même donné aujourd’hui un gardien ; mais n’espérez de moi aucun engagement. » À cette réponse inattendue, le conseil suprême délibéra, de concert avec l’ancienne députation de la diète, sur les mesures à prendre ; les opinions furent encore partagées, et la majorité fut pour la liberté de l’ex-dictateur. Lelewel avait proposé au conseil suprême de désavouer tous ses actes pour n’en pas avoir la responsabilité aux yeux du peuple ; mais cet avis fut rejeté. Cependant les clubs, les journaux, la chambre des nonces, flétrissaient Chlopicki du nom de traître ; on l’accusait de tous les maux ; sa garde d’honneur, sans prendre l’avis de personne, plaça même des sentinelles à sa porte, et l’empêcha de sortir de quelques jours. Chlopicki ne s’en plaignit point, et la garde finit par se dégoûter, et n’envoya plus de sentinelles.

Le 19 janvier, la diète commença ses travaux par inviter le conseil de guerre à dresser un état exact de l’armée, et à présenter les candidats au grade de généralissime. Il présenta le prince Michel Radziwill, sénateur palatin, et ancien général, moins comme le militaire le plus capable, que comme un citoyen digne, par ses vertus et son caractère, de la plus