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RÉVOLUTION POLONAISE.

par la garde d’honneur. Il voulait aussi établir la censure, et chargea même le conseil suprême de ce soin. Mais toutes ces mesures ne décelaient que les incertitudes d’une humeur tantôt sombre et timide, tantôt fière et audacieuse ; et Chlopicki lui-même ne pouvait se dissimuler qu’il perdait chaque jour de son influence.

Cependant le nonce Jezierski, qu’il attendait avec tant d’impatience, arriva de Saint-Pétersbourg, avec une lettre du czar. Elle était fort polie, mais ne donnait non plus aucun espoir d’arrangement. D’un autre côté, aucune nouvelle favorable ne venait ni de France, ni d’Angleterre, et c’est sur ces puissances qu’il comptait le plus.

Le 16 janvier, il invita chez lui les deux députations de la diète. Tenant en main les états de l’armée, il déclara qu’il n’y avait que 37,000 hommes d’infanterie et de cavalerie à opposer aux 150,000 dont la Russie menaçait la Pologne. — « Je sais, ajouta-t-il, qu’on peut avec des forces inférieures combattre un ennemi puissant ; mais les nôtres ne suffisent point pour tenir tête aux Russes, et nous n’avons des vivres que pour douze jours. » Il lut ensuite les lettres apportées par Jezierski, et demanda aux députations s’il fallait faire la guerre ou se soumettre.

— « J’ignore, répondit Dembowski, si le manque de vivres est si grand : de notre palatinat seul on en a envoyé une très-grande quantité à Modlin, et moi-même j’ai envoyé de mon petit village cinq cents biscuits. — Je le sais, répliqua Chlopicki ; on m’a parlé depuis long-temps de ces cinq cents biscuits, mais si Dembowski croit qu’il y ait assez de vivres, qu’il soit dictateur à ma place, car je ne veux plus l’être. »

Cette sortie étonna fort les membres des députations ; mais le nonce Romain Soltyk, par quelques paroles flatteuses, en suppliant le dictateur de ne point abandonner la cause de la patrie, réussit à le calmer. Cependant Chlopicki revenait toujours sur l’insuffisance des forces polonaises, et sur le manque de vivres et de fourrages. « Si j’entreprenais cette campagne, disait-il, et que je fusse vaincu, on crierait