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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

dans leur projet, et fit mettre en liberté son illustre prisonnier, après une captivité de trois ou quatre heures. Xavier Bronikowski et Boleslas Ostrowski, qui avaient aussi été arrêtés, ne restèrent qu’une heure en prison. On publia une relation de tout ce qui s’était passé, et l’on vit avec étonnement les noms les plus honorables compromis dans cette scandaleuse affaire. Ceux qui s’étaient montrés le plus acharnés contre Lelewel, son accusateur même, lui jurèrent amitié, et implorèrent l’oubli du passé. Néanmoins, une enquête judiciaire eut lieu ; vingt individus furent interrogés : ils déclarèrent que Lelewel voulait établir un triumvirat ou un consulat avec Maurice Mochnacki et Xavier Bronikowski, ou avec ce dernier et Boleslas Ostrowski, et qu’il aspirait à la dictature. Tout cela fut débité sérieusement par les comtes Gustave Malachowski, Titus Dzialynski, Rzewuski, Zaluski ; car des comtes seuls figuraient dans cette affaire. Le tribunal ne put garder sa gravité à ces étranges dépositions, et arrêta les débats, ne voulant pas donner suite à ce honteux procès. Cependant le dictateur, humilié dans l’opinion publique, répétait souvent pour se donner l’air d’un profond politique : « Prenez garde à Lelewel ; c’est un autre docteur Francia. »

Il restait à Lelewel à choisir entre la poursuite de ses accusateurs, ou le mépris de calomnies si grossières. Il prit ce dernier parti ; il demanda seulement qu’on publiât dans les journaux que la fausseté de cette accusation était prouvée.

Quant aux coteries aristocratiques, elles se tinrent quelque temps tranquilles, pour recommencer plus tard leurs intrigues.

Le dictateur se dégoûtait de son pouvoir. Chaque jour accroissait sa défiance. On lui conseillait des mesures sévères, mais il n’osait y avoir recours dans la crainte de jeter l’épouvante dans les esprits. Il ôta cependant au professeur Lach-Szysma le commandement de la garde d’honneur, sans égard pour ses sentimens patriotiques, ni pour les services qu’il avait rendus à la révolution, et suspendit le journal publié