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RÉVOLUTION POLONAISE.

nationale, disait-il, la Lithuanie, la Wolhynie, la Podolie et l’Ukraine ne se seraient-elles pas aussi soulevées ? » Il envoya à Saint-Pétersbourg une députation, composée du prince Lubecki et du nonce Jean Jezierski ; sa mission était de demander à Nicolas des garanties pour l’observation de la charte. L’envoi des agens diplomatiques dans les pays étrangers, et surtout à Londres et à Paris, était un des projets de Lubecki. Lelewel l’appuyait avec force, soutenant que cette démarche n’était point hostile au roi. On envoya donc Wolicki à Paris, et Wielopolski à Londres. On eut même des conférences avec les consuls de Prusse et d’Autriche. Il était impossible de l’avouer au peuple, et le peuple devait mal juger la conduite du dictateur.

Vint la question de la Lithuanie, et ici les deux partis se divisèrent. Lelewel voulait qu’on y envoyât des troupes. — « Une révolution, disait-il, ne se défend pas, elle attaque ; autrement elle n’a ni vigueur ni activité. La mission de Lubecki et de Jezierski ne doit point empêcher l’entrée de nos troupes en Lithuanie et en Wolhynie, car Lubecki lui-même assurait que la violation des frontières du Niémen et du Bug, et la propagation de l’insurrection dans les provinces polonaises de l’empire, seraient un fort argument en faveur de la cause lithuanienne. — Attendons la réponse du Czar, » répondait le parti contraire. — « Ne comptons nullement sur les puissances étrangères, elles ne comprennent point leur véritable politique, poursuivait Lelewel ; tirons de nous-mêmes toutes les forces nécessaires. » — « Mais ces forces seront insuffisantes, répliquait-on, et sans les secours des étrangers nous ne ferons rien. »

Le parti du dictateur, d’abord très-puissant, s’affaiblissait chaque jour ; son indifférence à l’égard de la Lithuanie le perdait. Les vieux généraux eux-mêmes blâmaient sa politique, et se prononçaient hautement contre son autorité. — « La dictature, disaient-ils, n’est point nécessaire à la Pologne ; la crainte de l’anarchie intérieure