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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

caractère, le proclama chef de l’armée au milieu même du combat, et le conseil d’administration s’empressa de le confirmer. Quoique son nom retentît dans l’armée et le peuple, Chlopicki fut invisible toute la journée du 30 novembre, et le conseil d’administration fut obligé de nommer provisoirement à sa place l’ancien général et sénateur palatin Louis Pac, qui devait commander en son absence. Cette démarche singulière de Chlopicki frappa d’étonnement sans changer les dispositions des esprits. Ce ne fut que le surlendemain de l’insurrection qu’il se mit à la tête de l’armée, où l’accueillirent les acclamations et la joie universelle. Chlopicki ne tarda pas à se dessiner sur le nouveau théâtre où il se trouvait placé. À peine le gouvernement provisoire se fut-il déclaré chef de l’état, qu’il entra dans la salle de ses séances, se plaignit vivement de l’indiscipline de l’armée et des clameurs des clubistes (de la société patriotique surtout) ; il abdiqua son commandement, et parla avec tant de chaleur, qu’il fut frappé d’une apoplexie foudroyante. On le porta dans l’antichambre, où il fut promptement saigné.

Cet accident excita la pitié en sa faveur, et fit craindre la perte d’un chef aussi distingué. Les étudians de l’université, une grande partie de l’armée, et généralement l’opinion publique, étaient pour lui. On poursuivit ceux qui osaient l’attaquer ; on poursuivit surtout Maurice Mochnacki, admis un instant au conseil d’administration. On voulait le fusiller ; et lorsque, dans le club, il donna à Chlopicki le nom de traître, il pensa être sabré par l’auditoire ; il ne dut son salut qu’à Lubecki. Caché par lui dans un cabinet attenant à la salle des séances du gouvernement provisoire, il y resta pendant les premiers jours du danger, nourri des plats que lui envoyait de sa table le favori de Nicolas. En sa qualité de chef de l’école philosophique allemande, il avait un chaud antagoniste dans le professeur Lach-Szyrma, chef de l’école écossaise : ce dernier commandait les étudians dans la révolution, et voulait faire condamner à mort Mochnacki par un tribunal militaire composé de tous les étudians ayant