enfin. Elle ne se perd qu’après bien des siècles d’esclavage. Dans l’impossibilité donc d’ôter à la Pologne son individualité, les puissances spoliatrices, réunies au congrès de Vienne avec les représentans des autres États européens, établirent que, quelles que fussent leurs diversités locales, les Polonais ne seraient jamais regardés ni comme Allemands, ni comme Russes, et que leur nationalité distincte, méconnue par le triple partage, serait désormais respectée comme droit public dans toutes les anciennes provinces polonaises soumises à la Russie, à la Prusse ou à l’Autriche. Le gouvernement représentatif étant une partie intégrante de l’individualité de la Pologne, les trois puissances elles-mêmes reconnurent ce droit en statuant que la Russie, la Prusse et l’Autriche accorderaient à leurs possessions polonaises un gouvernement représentatif.
Le même traité érigea une partie de l’ancienne Pologne en royaume distinct, le réunissant à jamais à l’empire russe, et le soumettant à un roi qui ne pouvait être autre que l’empereur lui-même. Ainsi, outre les droits communs de l’individualité nationale que les habitans du nouveau royaume partageaient avec leurs frères de Gallicie, de Dantzig et de Lithuanie, ils étaient proclamés peuple polonais, ayant son propre roi, tandis que ceux-ci, tout en constituant la nation polonaise, font partie des peuples autrichien, russe et prussien.
Le congrès de Vienne a donc reconnu pour légitimes tous les anciens droits de la Pologne, excepté celui de l’indépendance nationale. Mais un article du traité de 1815 déclare Cracovie[1] et son territoire, ancienne capitale de la Pologne, berceau de ses droits les plus sacrés, ville libre, indépendante et strictement neutre, sous la protection des trois puissances voisines, l’empire d’Autriche, le royaume de Prusse
- ↑ Les paysans de Cracovie ont unanimement résolu de payer d’avance tous les impôts de 1831, pour aider aux frais de la guerre, et ont acquitté sur-le-champ ce vœu patriotique.