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ÎLE DE ROTUMA.

si les autres chefs y consentent. Le titre correspondant au mot roi est Sho. Le roi auquel nous avions été présentés se nommait Mora. Nous eûmes aussi une entrevue avec son prédécesseur Riemko. C’est un chef très-distingué, et qui paraît doué d’une rare intelligence. Il parle anglais très-correctement. Riemko, dont la mémoire égale la curiosité, s’empresse auprès des voyageurs européens qui abordent dans l’île, leur adresse une foule de questions, et les réponses qu’il reçoit se gravent dans son esprit d’une manière ineffaçable. C’est ainsi qu’il nous rapporta une multitude de faits et d’anecdotes relatifs à Napoléon et à plusieurs grands personnages de l’époque. Ce fut sans doute pour ne nous rien cacher de ses connaissances qu’il nous demanda très-sérieusement si nous demeurions dans Russel-Square, à Londres.

Un étranger qui parcourt cette petite île, à peine connue des Européens, est tout surpris d’entendre parler l’anglais à la plupart des indigènes, et de voir le désir extrême qu’ils montrent de l’apprendre. Je me suis souvent amusé à voir ces sauvages essayer de s’entretenir entre eux dans mon idiome national. Un aveugle qui vint à notre bord, « non pour voir le vaisseau, » suivant ses expressions, « mais pour le sentir, » parlait anglais très-correctement. Il me demanda comment s’appelait le propriétaire du vaisseau, s’il possédait encore d’autres vaisseaux. Ensuite, voulant sans doute me donner un échantillon du savoir qu’il avait acquis, soit dans la conversation des marins européens qui résidaient dans l’île, soit dans les récits des voyageurs, il me dit : « Vous voyagez au compas, et prenez le soleil avec un cadran… vous avez des cartes… et c’est là le moyen d’aller aux différens pays. » Il