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VARIÉTÉS.

marcher avec l’opinion ; s’il s’abandonne aux conseils d’individus aveuglés par leur ambition personnelle et une honteuse cupidité ; si ce prince, dis-je, au lieu de détruire complétement et radicalement tous les abus de l’administration actuelle, veut se traîner dans les voies funestes suivies depuis vingt-cinq ou trente ans, il perdra peu à peu l’estime et la confiance des véritables Français : on se repentira de lui avoir confié les destinées du pays ; et les partisans de la république, qui sont déjà nombreux, pourront profiter des fautes du nouveau monarque pour renverser son trône, et lui substituer leur système. Bien que les Français, plus éclairés aujourd’hui, ne soient plus, à ce que j’imagine, exposés aux horreurs de 1793, je doute cependant que la république puisse long-temps subsister chez un peuple aussi léger, aussi versatile dans ses goûts et dans ses opinions. Nous pourrions en revenir à l’anarchie et aux guerres civiles. Alors nul doute que votre petit-fils, porté par un parti dans l’intérieur même de la France, et soutenu par un million de baïonnettes étrangères, ne puisse s’asseoir un jour sur le trône auquel vous avez dû renoncer. Mais je vous assure que, pour ma part, j’éloigne un pareil avenir de tous les vœux de mon cœur. Si nous sommes réservés à un aussi triste sort, il faudra bien l’accepter comme un fait, mais comme le fait le plus funeste à nos libertés. — Ah ! mon cher, vous parlez toujours en libéral ; mais un jour vous reviendrez de ces idées. Du reste (en me serrant les mains), soyez persuadé que mon petit-fils ne reviendra jamais en France par le moyen des baïonnettes étrangères, il sera rappelé par les Français eux-mêmes, sinon il restera dans l’exil ; c’est une chose que je peux vous protester dans toute la sincérité de mon âme. — Puisse votre déclaration être vraiment sincère, et puissiez-vous toujours persister dans d’aussi honorables dispositions ! c’est tout ce que je souhaite pour mon pays…

» Charles x me renouvela encore ses remerciemens de la manière la plus affectueuse ; puis il se retira chez lui… »