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ÎLE DES AMIS.

être parfois incommodes. C’était à travers les mailles du filet qu’avaient lieu ces échanges auxquels les indigènes et notre équipage se livraient avec une ardeur égale. Sans parler de l’extrême abondance des vivres que nous achetâmes, en peu de jours le navire fut rempli de curiosités, de coquilles, d’objets d’histoire naturelle, que l’équipage se procurait avec un empressement sans exemple. Les matelots, qui observaient le zèle infatigable de nos naturalistes, ne pouvaient se persuader que leurs collections n’eussent qu’une valeur purement scientifique. Dans l’idée qu’un intérêt plus réel s’attachait à des objets si soigneusement recherchés, l’équipage entier s’appliquait à en réunir la plus grande masse possible. Ces collecteurs éclairés travaillèrent de telle sorte, que, dans la suite du voyage, l’autorité des officiers dut arrêter cette fureur scientifique, et qu’on jeta quelquefois à la mer, au grand désappointement des propriétaires, une foule de ces ballots, qui encombraient réellement le navire.

Comme tous les insulaires de ces vastes mers, nous trouvâmes les naturels de Tonga-Tabou fort empressés de se procurer du fer ; mais une marchandise dont nous ne soupçonnions pas l’importance acquit tout à coup une valeur incroyable chez ces peuples : c’étaient les perles de verre bleu clair. Il est impossible de se figurer avec quelle avidité cette précieuse matière était recherchée à Tonga. Je ne crois pas exagérer en assurant que celui qui chez nous donnerait des diamans pour des épingles, n’aurait pas plus de gens à contenter. Les colliers de verre bleu excitaient l’envie de tous les habitans, depuis les chefs jusqu’aux derniers rangs du peuple. Dès qu’ils s’étaient procuré ce trésor, ils le cachaient avec un soin extrême, et revenaient à