Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
MORT DU CALIGULA.

Hélicon. Arrêtez, enfans. C’est assez, (Bas à un autre affranchi de Caïus.) Je crois que, si cela continuait, César entrerait bientôt en fureur. Vois-tu comme sa prunelle s’est tournée vers son front ; on la voit à peine.

L’Affranchi. Il est sans mouvement, et l’on dirait que sa vie est ailleurs.

Hélicon. C’est une rêverie terrible. Est-ce l’effet des paroles qu’ils ont chantées ? Malheur à eux ! Mais le voici qui sort de cette extase ; ses yeux reparaissent. Comme il tremble de tous ses membres, et quelle sueur ruisselle sur ses joues !

Caïus, revenant à lui, et d’un air étonné. Eh bien ! qu’est-ce ? Que faites-vous ici ? J’ai vu des glaives, des poignards étinceler dans l’ombre ; j’ai vu… oh ! je ne sais quoi. Ce sont de vains fantômes qui traversent le cerveau entre la veille et le sommeil, qui passent, repassent, dont on ne peut se défaire, mais qu’on ne peut rappeler. Où sont-ils ? Qu’on garde les portes. Sont-ce des êtres vivans ? Viennent-ils ?… J’ai cru les reconnaître ici près. (Avec colère.) Quoi ! qu’avez-vous à me regarder ainsi ? Est-ce que je vous fais pitié par hasard ? Ce serait un crime de lèze… Oh ! mes prétoriens ne sont pas ici ! (Plus doucement.) Je suis seul avec vous, mes amis. Bien, bien. Je suis malade ; la tête me tourne. Ai-je pris quelque breuvage, quelque aliment ?… Qu’on jette dans les viviers tous les esclaves des cuisines. Ça, pourquoi ne chantez-vous plus ? Qui vous a fait taire ? Quel traître… C’était pourtant le mode dorien. Il a trop fait vibrer mes nerfs. Ces voix sont belles ; oui, trop belles. Et la poésie ? d’où était-ce ? Je ne connais pas… Oh ! les poètes sont d’affreux misérables ! J’en veux purger l’empire ; je veux qu’on brûle tous leurs livres, sous peine de mort, (il se lève.) Vengeance ! Mes prétoriens, à moi ! Restez ici, je vais donner le mot d’ordre.


Il sort précipitamment, et va dans le corridor, où l’attendait Chereas, un glaive à la main.

Cependant on représente Cinyre. À la fin de cette tragédie,