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LITTÉRATURE.

Depuis neuf ans, la vie de Victor Hugo n’a pas changé ; pure, grave, honorable, indépendante, intérieure, magnifiquement ambitieuse dans son désintéressement, de plus en plus tournée à l’œuvre grandiose qu’il se sent appelé à accomplir. Ses opinions politiques et religieuses ont subi quelque transformation avec l’âge et la leçon des événemens ; ses idées de poésie et d’art se sont de jour en jour étendues et affermies. Sa fièvre de royalisme passée, il est revenu à la liberté, mais à la liberté vraie, plénière et pratique, à celle que bien des libéraux n’ont jamais comprise, et que nous réclamons vainement encore. En même temps que le culte d’une pâle et morte dynastie s’évanouissait dans l’âme sévère du poète, celui de Napoléon y surgissait rayonnant de merveilles, et Victor Hugo devenait le chantre élu de cette gloire à jamais chère au siècle :

Napoléon, soleil dont je suis le Memnon !…
À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple…

Dès 1824, lors de la retraite de M. de Chateaubriand, il avait pris parti pour l’opposition. La première marque éclatante qu’il en donna fut l’Ode à la Colonne, publiée en février 1827. Le général Hugo, qui ne mourut qu’en 1828, vécut assez pour jouir avec larmes de ce trophée tout militaire, que dédiait son fils aux vétérans de l’empire. En août 1829, Victor Hugo refusa la pension que M. de Labourdonnaye s’empressait de lui offrir en dédommagement des obstacles ministériels opposés à Marion Delorme. La révolution de juillet le trouva donc libre, sans engagement politique, ayant donné des gages au pays, prêt à lui en donner encore. Il a chanté les Trois jours dans les plus beaux vers qu’ils aient inspirés ; il a vengé par une deuxième Ode à la Colonne les mânes de Napoléon, qu’outrageait une chambre pusillanime. Les voûtes du Panthéon ont retenti de sa cantate funèbre en l’honneur des morts de juillet. Voilà jusqu’à ce jour les principaux faits de cette vie de poète ; il nous reste seulement à en caractéri-