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VICTOR HUGO.

ber aux poursuites, en se cachant chez un ami. Il y tomba malade, et un jour qu’il avait entrevu quelque inquiétude sur la physionomie de son hôte, craignant de lui être un sujet de péril, et dans l’exaltation de la fièvre qui l’enflammait, il se fit transporter le soir même, sur un brancard, rue de Clichy, où madame Hugo logeait alors. Madame Hugo, généreuse comme elle était, n’hésita pas à recueillir l’ami de son mari, et le garda deux ou trois jours. Sa fièvre passée, La Horie put sortir et chercher une retraite plus sûre. En 1809, après bien des épreuves et des fuites hasardées, il revint frapper à la porte de madame Hugo, mais cette fois la retraite était profonde, l’asile était sûr, et il y demeura. Il y demeura près de deux ans, caché à tous, vivant dans une petite chambre à l’extrémité d’un corps de logis désert. La plus douce occupation du guerrier philosophe, au milieu de cette inaction prolongée qui le dévorait, était de s’entretenir avec le jeune Victor, de le prendre sur ses genoux, de lui lire Polybe en français, s’appesantissant à plaisir sur les ruses et les machines de guerre, de lui faire expliquer Tacite en latin ; car l’intelligence robuste de l’enfant mordait déjà à cette forte nourriture. Un ancien prêtre marié, bon homme, M. de La Rivière, lui avait débrouillé, à lui et à ses frères, les premiers élémens, et la méthode libre du maître s’était laissée aller à l’esprit rapide des élèves. Cependant La Horie, par suite d’une machination odieuse, dont l’auteur, alors puissant, vit encore, et que M. Victor Hugo se propose de révéler un jour, fut découvert, arrêté aux Feuillantines, en 1811, et jeté de là dans le cachot, d’où il ne sortit que pour mourir avec Mallet. On sent quelle impression profonde et amère durent jeter dans l’âme ardente du jeune enfant de l’empire, et les discours du mécontent, et le supplice de la victime ; cela le préparait dès-lors à son royalisme de 1814. À côté de ce souvenir sanglant et fatal, les Feuillantines lui en laissèrent d’autres plus doux. Dans le Dernier jour d’un Condamné, il s’est plu à rappeler le vieux puisard, la charmante Pepita l’espagnole, et le tome ii des Voyages de Spallanzani ; ail-