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UN PASSEPORT POUR LA RUSSIE.

Enfin, au bout des cinq semaines d’attente, le grand-duc reçut de M. Pozzo di Borgo des détails sur moi qui, par une fatalité bien singulière, se trouvèrent complétement faux. On lui disait que je m’étais présenté à l’ambassade accompagné de deux autres officiers réformés, demandant l’autorisation de nous rendre à Odessa, pour de là passer en Grèce ; mais que nos projets n’étaient pas bien connus, et qu’il fallait s’en défier. Le grand-duc me fit encore une fois venir, se mit en fureur, mais ne se permit point d’abord de paroles grossières. — Voyez, monsieur, me dit-il, ce qu’on me rapporte ! Quel moyen faut-il donc employer pour obtenir de vous la vérité ? ; — Je persiste dans ce que j’ai déclaré, monseigneur ; votre ambassadeur manque de mémoire et d’exactitude, il confond probablement deux individus. — Monsieur, tout se fait avec ordre dans notre administration ; l’ambassadeur ne prend pas un autre pour vous, il ne saurait se tromper. C’est vous qui voulez me donner le change, mais prenez-y garde, ma patience pourra bien se lasser ! — Qu’ai-je donc à craindre. Monseigneur ? — Que je ne découvre vos intentions cachées. Vous êtes un franc-maçon, un jacobin, l’agent de quelque société secrète. — Je ne suis l’agent que de moi-même, et ne puis supposer que vous vouliez m’arracher de faux aveux. — Qui a dit cela ? Est-ce que je suis capable de cela ? est-ce que je suis un inquisiteur ? me fait-on passer pour un inquisiteur ? Je veux connaître la vérité, je veux la connaître, je le veux, entendez-vous ? Avant de vous permettre de continuer votre voyage, il faut que je récrive à Paris. — Et moi, monseigneur, j’oserai vous dire que je ne veux pas attendre. Ces investigations, ces retards me fatiguent. Je ne prétends pas habiter