Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
UN PASSEPORT POUR LA RUSSIE.

lier, n’attendait plus que le visa de l’ambassadeur de Russie. J’admirais la promptitude expéditive des deux premières formalités, mais il n’en fut pas de même de la troisième. Huit jours s’écoulèrent sans que j’eusse de réponse. Je retournai à la chancellerie de l’ambassade, où le premier secrétaire, écoutant ma réclamation, et m’assurant qu’on ne tarderait pas d’y faire droit, m’interrogea sur les motifs de mon voyage, d’une façon d’autant plus adroite, qu’elle semblait une expression d’intérêt. Ne me défiant aucunement de ses insinuations, persuadé que rien de légal ne pouvait me ravir la faculté de parcourir une contrée avec laquelle nous étions en paix, je n’essayai point de cacher à monsieur le premier secrétaire que je connaissais déjà sa patrie, comme étant l’un de ceux que notre désastreuse campagne de 1812 avait épargné. « Vous avez fait cette guerre, me dit-il, je vous félicite sincèrement d’y avoir échappé. Notre pays va vous offrir un autre aspect, vous en rapporterez, je l’espère, des souvenirs plus agréables. La seule ambition de Bonaparte nous rendait ennemis ; et là même où le plus effrayant incendie chercha naguère à vous anéantir, vous recevrez l’accueil le plus empressé. » Enchanté de mon diplomate en sous-ordre, et des espérances qu’il me donnait, j’en pris congé en lui recommandant de ne point oublier qu’il y avait pour moi toute nécessité de partir au plus tôt.

Après huit jours encore d’une vaine attente, nouvelle démarche à l’ambassade ; remise au lendemain, puis au surlendemain, et toujours même résultat, c’est-à-dire point de signature de l’excellence corso-russe. Je m’épuisais en conjectures sur ce qui pouvait expliquer ce retard, une telle perte de temps m’inquiétait.