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VOYAGES.

Je ne dirai point comment s’écoulèrent quatre-vingts longues heures dans de continuelles angoisses ! C’était un triste spectacle que ce navire que nous aimions tant, qui était pour nous la patrie, qui nous avait déjà portés à travers tant d’écueils inconnus, se débattant maintenant contre sa perte, comme un noble animal qui frémit à l’aspect du danger. Et si les jours étaient longs et pesans, les nuits l’étaient bien davantage ! Comme elles s’écoulaient péniblement au milieu de ce désordre qui règne toujours sur un bâtiment en perdition ! avec quelle impatience nous attendions le jour, debout, au pied du mât d’artimon, suivant d’un œil inquiet la marche rapide des nuages noirs qui montaient sur nos têtes, tandis que chaque rafale nouvelle nous paraissait devoir ensevelir pour jamais sous les flots les flancs brisés de l’Astrolabe !

Heureusement il n’en devait pas être ainsi : le 24 avril, la mer s’apaisa et nous permit de tenter quelque chose pour le salut commun. Plusieurs fois, à l’instant de réussir, nos espérances trompées nous plongeaient de nouveau dans le découragement. Enfin nous pûmes mettre à la voile en profitant d’un souffle favorable ; et laissant au fond de la mer plusieurs de nos ancres, nous mouillâmes la seule qui nous restât dans la baie tranquille de Pangaï-Modou, six jours après notre fatal échouage.

C’est alors que dégagés de toutes pensées sinistres, nous ne songeâmes plus qu’aux douceurs que nous promettait le délicieux climat que nous devions habiter quelque temps.

Je l’ai déjà dit, le pays est peu pittoresque ; cependant le tableau de ces îles nombreuses, dispersées au hasard sur une vaste étendue de mer, frappe toujours