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LITTÉRATURE.

pouvait être pour la multitude qu’une idole ou une victime : il fut l’une et l’autre.

Ils arrivèrent ; un escalier étroit les conduisit à une chambre située au troisième ; Robespierre l’ouvrit : un buste de Rousseau, une table sur laquelle étaient ouverts le Contrat social et l’Émile, une commode et quelques chaises, formaient tous les meubles de cet appartement. Seulement, la propreté la plus grande régnait partout.

Robespierre vit l’effet que produisit cette vue sur Marceau. — Voici le palais de César, lui dit-il en souriant ; qu’avez-vous à demander au dictateur ?

— La grâce de ma femme, condamnée par Carrier.

— Ta femme, condamnée par Carrier ! la femme de Marceau ! le républicain des jours antiques ! le soldat de Sparte ? Que fait-il donc à Nantes ?

— Des atrocités. Marceau lui traça alors le tableau que nous avons mis sous les yeux du lecteur. Robespierre, pendant ce récit, se tourmentait sur sa chaise, sans l’interrompre ; cependant Marceau se tut.

— Voilà donc comme je serai toujours compris, dit Robespierre d’une voix enrouée, car l’émotion intérieure qu’il venait d’éprouver avait suffi pour opérer ce changement dans sa voix, partout où mes yeux ne sont pas pour voir, et ma main pour arrêter un carnage inutile… Il y a bien cependant assez du sang qu’il est indispensable de répandre, et nous ne sommes pas au bout.

— Eh bien donc ! Robespierre, la grâce de ma femme.

Robespierre prit une feuille de papier blanc : — Son nom de fille ?

— Pourquoi ?

— Il m’est nécessaire pour constater l’identité.

— Blanche de Beaulieu.

Robespierre laissa tomber la plume qu’il tenait. — La fille du marquis de Beaulieu, le chef des brigands ?

— Blanche de Beaulieu, la fille du marquis de Beaulieu.