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LA ROSE ROUGE.

gane du parti. Le comité de salut public, c’est-à-dire la dictature, n’avait été, selon lui, créé que pour comprimer au dedans, et vaincre au dehors ; et comme il croyait avoir comprimé à l’intérieur et vaincu à la frontière, il demandait qu’on brisât un pouvoir, à son avis devenu inutile, afin que plus tard il ne devînt pas dangereux ; la révolution avait abattu, et il voulait rebâtir sur un terrain qui n’était pas encore déblayé.

C’étaient ces trois factions qui, au mois de mars 94, époque à laquelle se passe notre histoire, se partageaient l’intérieur de la Convention. Robespierre accusait Hébert d’athéisme et Danton de vénalité ; puis à son tour il était accusé par eux d’ambition, et le mot dictateur commençait à circuler.

Voilà donc quel était l’état des choses, lorsque Marceau, comme nous l’avons dit, vit pour la première fois Danton, se faisant de l’orchestre une tribune, et jetant à ceux qui l’entouraient de puissantes paroles. On jouait la Mort de César ; une espèce de mot d’ordre avait été donné aux Dantonistes, ils se trouvaient tous à cette représentation, et sur un signal donné par leur chef en se levant, ils devaient faire à Robespierre une application des vers suivans :

Oui, que César soit grand, mais que Rome soit libre.
Dieu ! maîtresse de l’Inde, esclave au bord du Tibre,
Qu’importe que son nom commande à l’univers,
Et qu’on l’appelle reine alors qu’elle est aux fers ?
Qu’importe à ma patrie, aux Romains que tu braves,
D’apprendre que César a de nouveaux esclaves ?
Les Persans ne sont pas nos plus fiers ennemis ;
Il en est de plus grands : je n’ai pas d’autre avis.

Et voilà pourquoi Robespierre, qui avait été prévenu par Saint-Just, était ce soir au Théâtre de la Nation, car il comprenait quelle arme serait entre les mains de ses ennemis, s’ils parvenaient à populariser l’accusation qu’ils portaient contre lui.

Cependant Marceau le cherchait vainement dans cette salle