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LITTÉRATURE.

sacrée sous des voûtes sombres et lugubres puisse être une union durable et fortunée ?…

Marceau tressaillit, car lui-même était atteint d’une terreur superstitieuse. Il entraîna Blanche vers un endroit du cachot où le jour, glissant à travers les barreaux croisés d’un étroit soupirail, rendait les ténèbres moins épaisses ; et là, tombant tous deux à genoux, ils attendirent la bénédiction du prêtre.

Celui-ci étendit les bras, et prononça les paroles sacrées. Au même instant, un bruit d’armes et de soldats se fit entendre dans le corridor. Blanche, effrayée, se jeta dans les bras de Marceau : — Serait-ce déjà moi qu’ils viennent chercher ! s’écria-t-elle. Oh ! mon ami, mon ami, combien en ce moment la mort serait affreuse !

Le jeune général s’était jeté au-devant de la porte, un pistolet de chaque main. Les soldats, étonnés, reculèrent. — Rassurez-vous, leur dit le prêtre en se présentant, c’est moi que l’on vient chercher, c’est moi qui vais mourir.

Les soldats l’entourèrent. — Enfans, s’écria-t-il d’une voix forte, en s’adressant aux jeunes époux ; enfans, à genoux ; car un pied dans la tombe je vous envoie ma dernière bénédiction, et la bénédiction d’un mourant est sacrée.

Les soldats étonnés gardaient le silence ; le prêtre avait tiré de sa poitrine un crucifix qu’il était parvenu à dérober à toutes les recherches ; il l’étendait vers eux ; prêt à mourir, c’était pour eux qu’il priait. Il y eut un instant de silence et de solennité où tout le monde crut à Dieu : — Marchons, dit le prêtre.

Les soldats l’entourèrent, la porte se referma, et tout disparut comme une vision nocturne.

Blanche se jeta dans les bras de Marceau : — Oh ! si tu me quittes, et qu’on vienne me chercher ainsi ; si je ne t’ai pas là pour m’aider à passer cette porte, oh ! Marceau, te figures-tu, à l’échafaud, moi ! moi à l’échafaud, loin de toi, pleurant et t’appelant, sans que tu me répondes ! Oh ! ne t’en va pas, ne t’en va pas ! Je me jetterai à leurs pieds, je leur dirai